L’église St-Barthélémy d’Arance

Il est difficile de situer la date de construction de l’église d’Arance.

Le plus ancien  document traitant de l’église d’Arance, que nous ayons trouvé, date de 1620.

Il s’agit du compte rendu de la rencontre du 6 Novembre 1620 de l’évêque avec le pasteur protestant et les jurats du village d’Arance,  lors de la restitution des biens catholiques par les protestants. Ce compte rendu émane de l’ouvrage d’Henri Lassalle «  Le rétablissement du culte catholique en Béarn ».

Nous apprenons qu’étaient réunis  ce jour-là, devant l’église d’Arance, Jean de Mays, Jeanet du Faur, jurats du village, Maistre Pierre de Lafitte ministre, Noble Pierre de Forbet, seigneur d’Arance et le sieur évêque.

Pierre de Lafitte est, selon Henri Lassalle, pasteur protestant en exercice à l’époque  sur les communes d’Arance, Lendresse et Gouze.

L’évêque demande la restitution de l’église avec le cimetière, la fabrique [1] et tous les autres droits appartenant à l’église dont la dîme.

Maistre Pierre de Lafitte et les deux jurats se disent d’accord pour restituer la dîme et autres droits mais émettent un refus pour l’église. Ils mettent en avant l’avoir «… bastie et entretenue à frais communs par les habitants de la religion [protestante ndlr]… ». Ils expliquent également qu’il n’y a que peu de catholiques sur le village.

Dans ce document, il est pourtant fait état  d’un temple sur le village…

Noble Pierre de Forbet prend la parole, et explique que sa qualité de seigneur lui donnant droit de sépulture dans l’église, il demande à conserver pour lui-même et ses successeurs ce droit.

L’évëque décide la restitution de l’église, de la fabrique, de la dîme et obits [2]. Il reconnaît  également le droit de sépulture dans l’église au noble Pierre de Forbet. Les protestants devront, selon sa décision, restituer l’église dans un délai de deux mois.

Henri Lassalle fait état d’un appel des protestants, et d’une demande de confirmation de l’évêque auprès du Conseil. Nulle autre précision n’est apportée.

Photo de la dalle funéraire.

Sur le côté gauche de l’église face à l’autel de Marie se trouve effectivement une dalle funéraire sur laquelle on distingue encore le début d’une date de 16.., le reste est illisible, peut-être s’agit-il de la sépulture des Forbet, anciens seigneurs d’Arance…

La situation des protestants s’est, dans les années qui ont suivi, considérablement dégradée.

Un extrait du Registre du « Conseil d’Estat » en date de 1666 nous apprend qu’ils ne disposent plus du droit d’exercice de leur religion sur le village. Ils sont regroupés avec leurs coreligionnaires de Mont et Lendresse  en annexes dépendant du village de Gouze.

Dans leur  « … requeste présentée au Roy en son conseil… » ils demandent à changer le « … lieu de  leurs presches… » car « … les chemins du dit lieu de Gouze sont très difficiles, dangereux et bouchés souvent par une rivière sujette à débordement… ». document ADPA

 

La physionomie de l’église a changé…

  • Elle disposait d’un clocher recouvert d’un millier de bardeaux.

Le premier registre des délibérations et de police de la commune d’Arance fait état en 1781 que les réparations du clocher seront financées par la vente de « … quelque chaine (chêne) mort et vermoulu au Cujala appartenant à la communauté… ».

 

En 1807, une seconde délibération fait état d’une nouvelle réparation du clocher avec un millier de bardeaux, et de l’église, avec l’installation de lambris, le blanchissage des murs à la chaux. Il est également question de travaux faits au cimetière (réparation  du mur de clôture et de la porte d’entrée où sont installées quatre pierres). « …Le tout a été arrêté et approuvé par tous les habitants qui composent la dite assemblée et ceux qui ont su écrire ont signé et les autres approuvé…». Au total, une bonne trentaine de personnes ont signé cette décision.

 

  • En 1812, l’église figure sur la carte Napoléonienne

 

 

 

 

  • Dans un 1er temps, on peut penser qu’elle ne disposait que d’une nef sans qu’il nous soit possible de dater l’agrandissement de l’église avec l’aile latérale sur la gauche de l’autel.

 

Témoignent de cette évolution les pierres d’angles toujours visibles et les deux ouvertures collées de part et d’autre du clocher.

Les registres de délibérations et de police de la commune débutent en 1781. Nous n’y avons trouvé aucune remarque sur la petitesse de l’église ni sur la nécessité d’agrandir l’église.

Cette aile existait-elle  avant 1781 ?

  • De très importants travaux ont été engagés en 1889  avec la construction d’un nouveau clocher et la restauration de l’église pour un total de 11300F.

Là encore il n’est pas fait état d’agrandissement. Une délibération du Conseil municipal décrit la teneur des travaux  supplémentaires effectués avec leur approbation dans un procès verbal de réception des travaux, dressé le 25 novembre 1889 par M. Bourdette architecte à Orthez et M. Coussoou Maire d’Arance.

Les travaux supplémentaires ont été réalisés:

« …1° Pour les angles du clocher non prévus en pierre de taille

2° Pour la couverture de la nef de l’église faite en ardoises et prévue en tuiles de la démolition

3° Pour le plancher de la sacristie et le plafond de la tribune et pour remplacement de murs en mauvais état et de la charpente vermoulue… »

  • Le compte rendu de la visite de l’Evêque en 1901 (archives du diocèse de Bayonne) fait état sans plus de précision « … d’une nef à colonnes, autel repeint… nouveaux vitraux… »

Nous apprenons que « …Monseigneur a trouvé le confessionnal de construction fautive et les fonds baptismaux trop rudimentaires… »

Si aujourd’hui le confessionnal apparait de style moderne, les fonds baptismaux ne semblent pas avoir changé.

 

  • les dernières transformations importantes ont porté sur l’intérieur de l’église

Soulignons en 1927, le legs de 2000F consenti dans son testament par M. Rancèze, habitant d’Arance parti vivre à Buenos-Aires, qui a permis des réparations d’une valeur de 3200 F, dont la teneur n’est pas précisée.

En 1969, la réfection moderne de l’église est assurée avec l’enlèvement des chaises et de la grille de séparation autel / assemblée, l’installation des bancs actuels…

 

La vie de l’église

Les registres des délibérations et police de la commune d’Arance  à partir de 1781 jusqu’à ce jour nous donnent bon nombre d’informations sur l’église et l’organisation du village.

  • Juste avant la révolution française, la commune finance divers services

La commune désigne et paie plusieurs personnes pour s’occuper de l’église ainsi :

« un sonneur de cloche»

  • «  un gardien de la croix du seigneur»,

« … Pour faire pretter serment de fidélité à Jean Larrouy dit Lagrave du dit lieu afin de lui ordonner de bien garder la croix du seigneur du dit lieu… » 

  • « un régent » dont les tâches sont démultipliées

« … le sus dit Bergeraa s’oblige de servir de Régent pour l’instruction des Enfants et servir Mr le curé aux offices divins et autres procédant à la Ste Eglise et… servira de greffier aux Ecritures de la communauté ainsi qu’à celles du seigneur du dit lieu et aussi qu’il servira de crieur et ce pour l’espace d’une année qu’il a commencé à servir le jour de la toussaint dernier… » cf. Registre des délibérations et police  d’Arance 1781-1788.

  • Après la révolution, son financement est assuré par la population

A partir de la révolution, le conseil municipal continue à nommer les personnes chargées de services à l’église avec les tâches qu’elles auront à accomplir,  mais ce sont les villageois qui les financent.

Le «  sonneur de cloche » est  chargé ainsi de  fournir  le nécessaire pour le luminaire de l’église, l’huile pour l’entretien de l’horloge, de blanchir le linge pour le service du culte catholique et d’effectuer des petits travaux d’entretien « …moyennant ce, chaque habitant ou chef de ménage lui délivrera en payement un boisseau comble de millocq à la mesure ancienne… » à la fin de chaque année cf. Registre des délibérations Commune d’Arance 1794-1816.

A partir de 1802 jusqu’en 1812, il devra faire également  les sépultures.

  • De 1790 à 1927, Lendresse est rattachée à la fabrique (paroisse) d’Arance

Une délibération du 26 août 1805, fait état, pour la prise en charge des dépenses du culte, d’un tiers pour la commune de Lendresse et 2 tiers pour celle d’Arance.

Les deux communautés partageront les célébrations durant presque une trentaine d’années de la révolution à 1827, date de la fin de la construction de la nouvelle église de Lendresse (voir article Lendresse).

  • En 1833, un arrêté municipal impose plus de silence lors des cérémonies de culte

Le 19 mai 1833, le Maire d’Arance prend un arrêté sur la commune afin d’empêcher tout trouble durant la cérémonie du culte.

« … Il est défendu  aux cabaretiers, traiteurs, limonadiers, maître de paume et de billard placés à proximité de l’Eglise de tenir leur maison ouverte pendant le temps des offices divins et au moment où l’on célèbre des cérémonies du culte. Les danses sont défendues dans les mêmes lieux pendant les mêmes temps… Les cabaretiers qui contreviendraient au présent arrêté … seront traduits devant le juge de paix… de la même manière tous ceux qui se livreraient au bruit et tapage nocturne, tous ceux qui … troubleront les cérémonies du culte… »

Sans doute, la vie du village était-elle vraiment  intense…

  • 1854-1881, les comptes de la paroisse sont riches d’informations

Les comptes de la « fabrique » (paroisse) d’Arance (1854-1881) conservés par la commune font état :

  • de rentrées d’argent avec la location de chaises, de concession de bancs, tribunes (en moyenne 100F par an), des quêtes à domicile…
  • des dépenses de fonctionnement pour le pain d’autel (10 F), le vin (12F), la cire(10f), l’huile de la lampe(40F), l’encens (8F), des frais pour l’entretien des ornements (5F), des meubles de l’église et de la sacristie (5F), le blanchissage et le raccommodage du linge (20F)

A partir de 1878, des dépenses sont consacrées au sacristain (20F), au chantre (60F), au sonneur (30F), à l’organiste (10F) et, aux enfants de chœur (20F).

  • 1863 la commune d’Arance finance l’achat d’un orgue

Le conseil municipal effectue cet achat sur proposition du Préfet qui par une circulaire leur conseille d’acheter un orgue pour 250 F auprès du fabricant Alexandre Père et fils de Paris.

« … considérant qu’un orgue peut à la fois servir à la pompe du culte dans l’Eglise et à l’enseignement du chant et qu’il convient de prendre en sérieuse considération le conseil bienveillant de M. le Préfet… » le conseil municipal décide de l’achat de cet orgue cf. Registre des délibérations 1838-1880.

 

Les prêtres et pasteurs du village

Les prêtres connus de la paroisse d’Arance  sont Jean Maisonnave natif d’Os de 1807 à 1826, Jean Baptiste Destandeau de 1827 à 1867, M. H Batcave de 1868 à au moins 1907.

De 1818 à 1907, les délibérations du Conseil municipal font état d’une participation de la commune pour le logement du desservant d’abord de 50F puis d’une mise à disposition gracieuse d’une maison avec jardin et dépendances, le presbytère. Le prêtre dispose également d’un supplément de traitement  de l’ordre d’abord de 250F puis 100F.

A partir de 1907, peu après la séparation de l’Eglise et de l’Etat, le conseil municipal ne financera que les réparations de l’église et du presbytère. Celui-ci est désormais loué au prêtre de la paroisse pour la somme de 60F par an.

Soulignons une délibération du 4 juillet 1957 qui  fait état d’une nouvelle installation électrique au presbytère avec l’achat d’une lampe de cinéma. C’est M. François Arriau, curé du village qui se charge de cette animation qui a beaucoup de succès auprès de toute la population.

Le financement des pasteurs protestants par la commune est beaucoup plus modeste, de l’ordre de 10 à 20 F de 1882 à 1911. Une délibération en date du 28 juin 1911 met en avant les réticences de la commune à poursuivre le financement de cette indemnité logement à M. Roth, pasteur protestant sur Orthez. Le sous-préfet les rappellera à l’ordre en leur expliquant qu’ils y sont obligés par une circulaire gouvernementale.

Petit souvenir d’autrefois

Le petit cimetière protestant derrière l’église, clôturé par une double enceinte, a gardé tout le charme des cimetières d’antan.

 

[1] Fabrique : gère tous les biens et revenus de la paroisse

  • [2] Obits : services célébrés pour le repos de l’âme d’un mort.